A l’invitation de l’Association Agrée locale, Goumois Pêche Loisir, j’ai participé mardi 13 décembre, comme élu régional, à une matinée d’information et d’échange sur la très forte mortalité constatée des truites. Deux autres élus locaux étaient présents avec moi : Gilles Robert, président de la CC du Plateau du Russey, et Vice-Président du PNR du Haut Doubs horloger, ainsi que Georges Ubbiali, élu, de la minorité du Conseil Départemental.
En compagnie de gardes-pêche, de techniciens de diverses collectivités et de représentants de l’Association SOS Loue Rivières comtoises, et par un solide – 8 °, nous avons longé le Doubs en aval du Pont de Goumois sur un km environ. J’ai pu ainsi observer directement la présence d’une dizaine de truites mortes, gisant à moins de 5 mètres du bord, porteuses des signes visibles de la maladie. Il faut y ajouter une dizaine de spécimen encore vivants mais marqués des mêmes symptômes. Chemin faisant nous avons été informés par les spécialistes présents des hypothèses concernant les origines et le contexte de développement de la maladie. A la suite, un peu plus au chaud, nous avons pu à la fois compléter et échanger sur ces informations.
Un journaliste et un photographe de l’Est Républicain étaient présents.
Je retiens de ces données multiples celles qu’un non spécialiste comme je le suis peut considérer comme faisant consensus et qui devrait permettre à un public plus large de se mobiliser.
Je les livre sous forme d’une liste non exhaustive.
- Cette maladie – la saprolégniose – est déjà apparue dans les trente dernières années ; on pourrait même dire qu’elle est « normale », jusqu’à un certain point évidemment ; les parasites et les champignons qui en sont la cause, sont en effet des « compagnons » habituels des milieux naturels ;
- Cette maladie apparait, et c’est vrai partout dans le monde, lorsque les conditions globales de la rivière sont dégradées et que la population de poisson est affaiblie par d’autres maladies ; inutile donc de chercher une causalité directe et immédiate, mais, et ça n’est pas forcément plus rassurant, il faut y voir un signal d’alerte sur la mauvaise qualité de l’eau ;
- Cette question de la qualité de l’eau est essentielle ; c’est LA question. A ma grande surprise, alors que comme tous les écologistes je suis, même d’un peu loin, cette question depuis de longues années, j’ai découvert que les indicateurs sur la qualité de l’eau des cours d’eau n’étaient pas fiables ; non que les scientifiques fassent n’importe quoi, mais parce que chaque organisme public, ou presque, retient les indicateurs qui lui conviennent ou effectue les prélèvements de façon sélective ; ainsi, et ça nécessiterait un long développement, la section du Doubs dans laquelle se situe cette hécatombe est qualifiée de « bonne », par la plupart des services de l’Etat ; ce qui est pour le moins étonnant ;
- Surprise augmentée quand on apprend qu’il n’y a pas de critères adaptés à la situation particulière de milieu karstique dans lequel nous nous trouvons ; or, s’il y a un élément qui fait consensus, et pour le coup qui a été validé plusieurs fois par les experts scientifiques, c’est que la qualité de l’eau des rivières comtoises, est directement dépendante du respect (ou plutôt du non-respect) de notre géologie locale ;
- On en revient ainsi à devoir s’interroger sur la qualité globale de de l’eau, sur évaluée donc, et donc à s’interroger à nouveau sur le rôle des effluents agricoles dans les causes de sa dégradation ;
- On ne peut donc pas esquiver un nouveau questionnement sur les pratiques que l’on pensait disparues, à tout le moins contrôlées, à l’origine des taux de nitrates anormalement élevés dans les rivières concernées ; de ce point de vue l’étude menée par le laboratoire Chrono Environnement est sans appel ; une étude complémentaire qui sera disponible bientôt, chiffrera avec précision les flux admissibles en matière de rejet de nitrates ;
- Nous sommes donc une fois de plus confrontés à une situation de conflit potentiel avec la profession agricole, et, pour appeler un chat un chat, avec le poids de la filière « comté » ; c’est d’autant plus rageant que plusieurs outils avaient été mis en place pour assurer des contrôles, et donc des sanctions, pour limiter les épandages hors des périodes autorisées ;
- On peut s’interroger sur le fait de savoir si un choix non explicite, mais insidieux, fait que personne ne veut prendre de front la remise en cause, non du principe ou de la qualité du modèle de la filière « comté » mais des charges sans doute trop lourdes qu’elle fait supporter à la nature, même si, et c’est tout le problème, elle a permis la production de richesse et de revenus sur des territoires souvent considérés comme périphériques. ;
- Un mot encore pour dire que si l’on peut considérer que cette filière doit être maintenue à ce niveau d’intensification, il faudra assumer les dégâts collatéraux que cela induit, non sur la potabilité de l’eau mais sur la qualité globale de ces joyaux de la biodiversité que constituent ces réseaux ; avec, entre autres, des conséquences non négligeables sur l’image de la Bourgogne Franche Comté et singulièrement de son attractivité touristique.
Au cours des échanges sont apparues des demandes très explicites de la part des associations. Ils souhaitent que soient réactivés les dispositifs de concertation et de contrôle qui avait été mis en place depuis une dizaine d’année, et qui se sont perdus en chemin :
- les comités bilatéraux franco suisses : celui qui est constitué au niveau le plus élevé mais aussi au niveau des comités techniques ;
- les comités et groupes de travail français, qui ont accompagné les travaux des scientifiques qui ont traités et qui doivent réunir les services de l’Etat, les experts, les associations, les organismes spécialisés.
Claude Mercier
Conseiller régional